ALLÉGORIE (Moyen Âge, histoire de l’art)

ALLÉGORIE (Moyen Âge, histoire de l’art)
ALLÉGORIE (Moyen Âge, histoire de l’art)

ALLÉGORIE, Moyen Âge, histoire de l’art

On entend par allégorie dans l’art la personnification d’une idée par une figure dotée d’attributs symboliques. Au Moyen Âge, il s’agit surtout, au moins jusqu’au XVe siècle, de représentations des arts libéraux (trivium , quadrivium ) et du combat des vertus et des vices. Deux textes sont à la base des cycles d’images: les Noces de Philologie et Mercure de Martianus Capella et la Psychomachie de Prudence, tous deux composés au IVe siècle. L’iconographie suit de très près les descriptions fournies par les auteurs: parmi les arts libéraux, par exemple, suivant Martianus Capella, Dialectique est reconnaissable au serpent (ou parfois au scorpion) qui l’accompagne et aux tablettes qu’elle porte; Rhétorique est coiffée d’un casque et tient en main une arme de jet; de même, selon Prudence cette fois, Justice est représentée avec une balance, Courage est armé de son épée et de son bouclier. Des différences apparaissent cependant entre les deux systèmes allégoriques parce que Prudence dramatise son récit en lui donnant la forme d’une lutte guerrière qui oppose les vertus (les quatre vertus cardinales, d’après Aristote, puis les trois vertus théologales) aux vices et en retire un effet didactique accru. Pour le reste, les deux textes reflètent les circonstances dans lesquelles ils ont été écrits: en effet, au IVe siècle, les chrétiens n’hésitent plus à disputer aux gentils leur monopole culturel et artistique; le Christ est alors figuré sous les traits d’un philosophe entouré de ses disciples, les douze apôtres, et revêtu des insignes qui caractérisaient certains des anciens dieux.

En raison de leur succès, Martianus Capella et Prudence furent sans cesse repris, commentés et imités, du VIe au XIIIe siècle. Peu à peu, ils fondèrent ainsi une véritable tradition de pensée. En dépit des innombrables variantes qui proliférèrent autour de leurs textes, ils continuèrent à signifier les fondements du savoir médiéval. Du Xe au XIVe siècle, les modes de composition ne changent guère. Les personnifications des arts libéraux sont associées aux figures des sages de l’Antiquité qui se sont illustrés dans les divers domaines des connaissances humaines: Aristote, parfois Porphyre, est le compagnon de Dialectique; Tubal celui de Musique (dans le manuscrit de Heidelberg, Pal. Germ. 389, XIIe s.; Andrea di Bonaiuto, Sainte-Marie-Nouvelle, ancienne salle du chapitre, mur ouest, Florence, 1366-1368). La pratique qui consiste à faire se correspondre deux figures entre elles est directement inspirée de la technique de comparaison entre les deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau, l’un devant éclairer l’autre. Les figures qui représentent les arts peuvent encore être représentées seules (Herrade de Landsberg, Hortus Deliciarum , XIIe s.) ou bien s’effacer au profit des sages de l’Antiquité (cathédrale de Clermont-Ferrand). Avec quelques variantes dans les attributs et les dispositifs choisis (en ligne horizontale ou en cercle), ce sont toujours les mêmes traits qui persistent. De la même façon les Vertus s’opposent sans changement majeur aux Vices. Dans l’art roman les Vertus foncent contre les Vices, armées de pied en cap comme de preux chevaliers (cathédrale Notre-Dame de Laon, façade occidentale, XIIe s.). Dans l’art gothique les Vertus trônent chacune sous un petit édicule de pierre, leurs attributs en évidence, et ont en face d’elles les Vices. On figure chaque vice non par une personnification adéquate, mais à travers un comportement répréhensible ou une action mauvaise. Ce n’est que plus tard, au XIIIe siècle, qu’on imagine de personnifier les vices: le fier jeune homme évoque l’orgueil; la femme qui s’apprête à dissimuler de l’argent dans un coffret, l’avarice; l’homme qui se pend, le désespoir (au XIVe siècle, Judas recouvre à lui seul ce champ iconographique; Giotto, chapelle de l’Arena, fresque du Jugement dernier, Padoue, 1304-1306). Au XIVe siècle, le système des Vertus et des Vices s’expose sur des supports privés, à l’intérieur d’oratoires ou de chapelles, sur des monuments funéraires. En Italie, par exemple, on les figure sur le tombeau de saint Augustin sculpté à Pavie, sur le monument dédié à l’antipape Jean XXIII dans le Baptistère de Florence, œuvre de Donatello, ou encore sur les tombeaux des Doges à Venise. Au XVe et au XVIe siècle, la pratique s’étend à la France. En Allemagne, on représente les Vertus comme de grandes figures debout, terrassant sous leurs pieds les Vices immobilisés de la pointe de la lance (cathédrale Notre-Dame de Strasbourg). C’est le même arrangement qui sert à camper les personnifications des arts libéraux à l’entrée de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau.

Par-delà ces répétitions de formes et de figures les artistes du Moyen Âge concourent à créer un espace symbolique qui, pour l’observateur ou le simple fidèle, vaut comme un espace de reconnaissance de ce qu’il sait déjà. Ils développent ainsi, sous le contrôle de l’Église, les instruments d’une rhétorique purement visuelle. De plus, très souvent à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, ils intègrent les représentations allégoriques à un cycle plus vaste comprenant aussi les saisons, les planètes, les arts mécaniques ou encore, au XIVe siècle, les sacrements (ainsi sur les registres supérieurs du Campanile de la cathédrale de Florence). Au XVe siècle, sous l’influence des valeurs profanes et courtoises, l’allégorie des Vertus et des Vices sert à l’expression de l’amour vertueux et facilite la renaissance d’autres motifs (comme celui du jardin, de l’hortus conclusus ). Dans d’autres images les personnifications empruntées à la poésie érotique (la Dame de l’Amour) ou à la mythologie classique (Amour, Vénus et Cupidon) participent à la mise en forme de tout un univers profane — le locus amoenus —, pays de fleurs et de prairies, qui se substitue à l’idée spiritualisée du paradis.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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